L'étrange mort de l'individu libéral

L’étrange mort de l’individu libéral

Seule une reconfiguration complète des droits de propriété sur les instruments de production, de distribution, de collaboration et de communication de plus en plus basés sur le cloud peut sauver l’idée libérale fondamentale de la liberté en tant que propriété de soi. Faire revivre l’individu libéral exige donc précisément ce que les libéraux détestent : une révolution.

ATHÈNES – Mon père était l’incarnation de l’individu libéral, une splendide ironie pour un marxiste de toujours. Pour gagner sa vie, il devait louer sa main-d’œuvre au patron d’une aciérie à Eleusis. Mais à chaque pause déjeuner, il se promenait avec bonheur dans l’arrière-cour à ciel ouvert du musée archéologique d’Eleusis, où il se délectait de la découverte d’anciennes stèles pleines d’indices indiquant que les technologues de l’Antiquité étaient plus avancés qu’on ne le pensait.

Après son retour à la maison, juste après 17 heures tous les jours, et une sieste tardive, il sortait prêt à partager notre vie de famille et à écrire ses découvertes dans des articles universitaires et des livres. Sa vie à l’usine était, en somme, bien séparée de sa vie personnelle.

Cela reflétait une époque où même les gauchistes comme nous pensaient que, à tout le moins, le capitalisme nous avait accordé la souveraineté sur nous-mêmes, bien que dans certaines limites. Aussi dur qu’on ait travaillé pour le patron, on pouvait au moins clôturer une partie de sa vie et, à l’intérieur de cette clôture, rester autonome, autodéterminé, libre. Nous savions que seuls les riches étaient vraiment libres de choisir, que les pauvres étaient pour la plupart libres de perdre, et que le pire des esclavages était celui de quiconque avait appris à aimer ses chaînes. Pourtant, nous avons apprécié la propriété limitée que nous avions.

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