Les valeurs universelles aux abois

Les valeurs universelles aux abois

L’universalisme moral inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme nous oblige à reconnaître l’humanité des autres et la réalité de leurs souffrances. Si cette doctrine semble naïve dans le monde d’aujourd’hui, c’est parce que nous avons permis à des perturbateurs malveillants d’étouffer cette intuition fondamentale.

VIENNE – Il y a soixante-quinze ans cette semaine, les États membres des Nations Unies réunis à Paris adoptaient la déclaration universelle des droits de l’Homme. Il ne s’agissait pas d’une loi contraignante, mais seulement d’une déclaration de principe. Mais c’était la première déclaration à intégrer un ancien idéal moral d’égalité humaine dans la nouvelle architecture du droit international établie en réponse au nationalisme génocidaire qui avait laissé une grande partie du monde en ruines après la Seconde Guerre mondiale.

Ce nouvel universalisme moral nous demandait de tourner le dos à notre partialité instinctive envers les membres de notre propre tribu. Il nous a demandé de dépasser les différences saillantes – race, croyance, sexe, classe sociale, origine nationale, langue – et de contempler notre humanité commune. Mais beaucoup se demandaient à l’époque si nous étions capables de réaliser une expérience aussi radicale. Dans le rôle d’Hannah Arendt observé en 1948, « il semble qu’un homme qui n’est qu’un homme ait perdu les qualités mêmes qui permettent aux autres de le traiter comme son prochain ».

Les prisonniers sans défense d’Auschwitz-Birkenau avaient découvert que leurs revendications en tant qu’êtres humains – à la pitié et à la décence, sans parler des droits – ne signifiaient rien pour leurs bourreaux. Selon Arendt, ce n’est que si ces personnes sans défense avaient un État pour les protéger qu’elles seraient en sécurité. L’être humain universel en chacun de nous n’aurait « le droit d’avoir des droits » que si nous bénéficiions tous des protections de la citoyenneté.

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