Tollé face au projet de démolition du bâtiment art déco utilisé dans les recherches de Marie Curie et de ses collègues
Le bâtiment dans lequel Marie Curie – et ses collègues – ont stocké des matières radioactives alors qu’elles travaillaient à l’Institut du Radium à Paris de 1914 jusqu’à la fin de sa vie pourrait bientôt être démoli pour laisser la place à un immeuble de bureaux de cinq étages.
Le Pavillon des Sources est l’un des trois bâtiments proches du château de Versailles qui composaient l’Institut du Radium, qui a depuis fusionné avec la Fondation Curie pour former l’Institut Curie. L’Institut du Radium a été construit pour les travaux de Curie par l’Université de Paris et l’Institut Pasteur entre 1911 et 1914. L’Institut Curie, toujours propriétaire du site, a décidé de démolir le Pavillon des Sources pour créer des bureaux et des salles de réunion afin que les chercheurs puissent rester sur place.
Selon des documents rédigés par Curie, le Pavillon des Sources a été construit à l’écart des deux autres laboratoires du site car c’était là que se préparaient les sources radioactives et que les éléments les plus actifs pouvaient gêner le travail des physiciens dans le bâtiment principal.
Les projets de démolition, qui débuteront selon l’Institut Curie par la décontamination du bâtiment le 8 janvier, ont été rendus publics par Baptiste Gianeselli, défenseur du patrimoine parisien, après avoir été alerté d’un article publié en septembre 2023 dans La Tribune de l’Art. Le magazine rapporte qu’un bâtiment art déco va être démoli sur le site de l’Institut Curie.
Rappel : le #PavillonDesSources est l’un des deux derniers bâtiments historiques encore existants qui constituaient le Laboratoire Curie, où #Marie Curie a travaillé jusqu’à la fin de sa vie. Il doit être le détruit le 8 janvier. pic.twitter.com/Ak00fduggK
– Baptiste Gianeselli (@BGianeselli) 2 janvier 2024
« En me rendant sur place, j’ai découvert le permis de démolition du Pavillon des Sources, aux portes du musée Curie, raconte Gianeselli. « Je ne connaissais pas ce bâtiment, mais son joli nom et le fait qu’il soit situé sur ce lieu historique fréquenté par la grande Marie Curie ont retenu mon attention. Il m’a suffi de me renseigner au musée pour comprendre que ce bâtiment présentait un intérêt patrimonial majeur.
Gianeselli s’est depuis plongé dans l’histoire du bâtiment et a partagé des comptes sur X, anciennement Twitter, sur la façon dont il a été utilisé. « Chaque jour, je retrouve dans les archives un nouveau document prouvant que ce bâtiment n’était pas seulement un lieu de stockage de déchets, comme le prétend l’Institut Curie, mais au contraire un « temple » de conservation de matières premières précieuses et un laboratoire indispensable. pour toutes les recherches menées au Laboratoire Curie.
« Sans le Pavillon des Sources, Irène et Frédéric Joliot-Curie n’auraient pas pu découvrir la radioactivité artificielle et induite, pour laquelle ils ont reçu le prix Nobel de chimie (en 1935). »
Le #PavillonDesSources était ESSENTIEL aux travaux des époux Joliot-Curie, dont leur ont valu le Prix Nobel de Chimie en 1936 pour leur découverte* de la radioactivité artificielle et de la radioactivité induite !
*en présence de Marie Curie 🙏🏻#SauvonsLePavillonDesSources https://t.co/0RJxOIzo4T pic.twitter.com/7qc9CoMrp0
– Baptiste Gianeselli (@BGianeselli) 30 décembre 2023
Cependant, le président de l’Institut Curie, Thierry Philip, a déclaré Monde de la chimie: ‘Il n’est pas vrai de dire que c’est un laboratoire de Marie Curie. Le laboratoire Marie Curie est aujourd’hui un musée gratuit, appelé Pavillon Curie. En face se trouve le Pavillon Pasteur où Claudius Regaud soignait les patients grâce aux découvertes de Marie Curie. Et après nous avons le Pavillon des Sources – 100m2, plein de radioactivité, et impossible d’y pénétrer depuis cinq ans. Cela n’a aucun intérêt. C’était un endroit où elle stockait des matières radioactives.
Dans ses posts X réguliers, Baptiste a également exprimé ses inquiétudes concernant le jardin attenant dans lequel Curie aurait planté des platanes, des tilleuls et des rosiers, dont beaucoup sont toujours là.
Cependant, Philip affirme que le jardin ne courra aucun risque avec le nouveau projet de construction. «Nous avons mis en place une conservation du jardin… même si les rosiers plantés par Marie Curie sont morts depuis longtemps, nous y mettons très souvent de nouveaux rosiers», ajoute-t-il.
Dans ses efforts pour arrêter la démolition et préserver le bâtiment, Gianeselli a écrit au ministre français de la Culture et président français, Emmanuel Macron, recevant un soutien tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté scientifique. Il est optimiste quant au fait que le bâtiment peut encore être sauvé. « Le ministère de la Culture, à qui j’ai transmis de nombreux documents et éléments démontrant la valeur de ce bâtiment, m’a informé ce matin (3 janvier) qu’il faisait tout son possible pour trouver le meilleur résultat possible », explique-t-il.
« Je souhaite que l’Institut Curie, qui a le devoir de connaître et de reconnaître ce qu’il doit à Marie Curie et à sa famille, conserve sa mémoire avec ces bâtiments. Je suis convaincu que nous pouvons préserver les sites de mémoire des femmes et des scientifiques les plus illustres de l’histoire sans remettre en question les besoins de la recherche.
Philip affirme que l’Institut Curie reste « totalement engagé » envers la mémoire de Marie Curie. « Nous nous battons simplement pour la science et je suis absolument convaincu que Marie Curie ne se battra pas pour le 100 m.2 bâtiment, mais pour la science. Il a ajouté que si le ministère de la Culture n’acceptait pas la démolition et la construction du nouvel immeuble de bureaux, le Pavillon des Sources resterait fermé.