Décoloniser la finance mondiale

Décoloniser la finance mondiale

Né au milieu des années 1940 pour servir les intérêts des principales puissances industrielles mondiales de l’époque, le système de Bretton Woods a longtemps perpétué et approfondi les inégalités entre les économies avancées et le monde en développement. Une refonte se fait attendre depuis longtemps.

LE CAIRE – Le système monétaire international d’aujourd’hui a émergé de la Conférence de Bretton Woods de 1944, lorsque les puissances impériales régnaient encore sur la plupart des pays du Sud. Il a été conçu par et pour le bénéfice de quelques pays riches seulement, et il les a bien servis. Bien que le système de Bretton Woods ait parfois été ajusté pour refléter l’accélération de la mondialisation et l’interdépendance économique croissante des pays, il a amplifié les fluctuations du cycle économique, entravé le rattrapage économique des pays les plus pauvres et perpétué la dichotomie entre pays développés et pays en développement.

Si l’économie mondiale veut éviter une fragmentation plus profonde dans cette nouvelle ère de multipolarité et de concurrence géopolitique, des réformes majeures seront nécessaires pour corriger les défauts de naissance structurels du système financier. C’est pourquoi le ministre indonésien des Finances, Sri Mulyani Indrawati, s’est attaqué aux coûts élevés associés à une dépendance excessive à l’égard de quelques monnaies de réserve seulement, plaidant, lors de la présidence indonésienne du G20 au début de 2022, pour reproduire le type de règlement en monnaie locale ( LCS) que son pays défend depuis longtemps. Cela aiderait de nombreux pays à gérer les chocs, en particulier dans le contexte des économies émergentes qui sont confrontées à des sorties de capitaux potentiellement graves chaque fois que les grandes économies avancées comme les États-Unis resserrent leur politique monétaire.

Ce problème n’est que trop courant : lors du « taper tantrum » de 2013 (une panique du marché suite à l’annonce par la Réserve fédérale de son intention de réduire ses achats mensuels d’obligations), la roupie indonésienne a soudainement perdu plus de 20 % de sa valeur. Et maintenant, on craint encore plus que le resserrement quantitatif et les hausses agressives des taux d’intérêt par les banques centrales d’importance systémique ne provoquent des sorties massives de capitaux et ne déclenchent une nouvelle vague de fluctuations monétaires et de crises de la dette souveraine.

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