Les lasers et le lithium s’associent pour la production d’ammoniac dans des conditions ambiantes
Les lasers pourraient révolutionner la fixation de l’azote, offrant une nouvelle façon de synthétiser l’ammoniac dans des conditions ambiantes. Pour la première fois, des chercheurs ont utilisé des lasers commerciaux au dioxyde de carbone pour briser la triple liaison azote-azote, offrant ainsi une nouvelle alternative verte au procédé Haber-Bosch.
L’équipe internationale de chercheurs a utilisé des lasers pour convertir l’oxyde de lithium en lithium métallique, qui réagit spontanément avec l’azote de l’air pour former du nitrure de lithium. Ce sel s’hydrolyse facilement en ammoniac, battant tous les records actuels en termes de rendement.
« Nous avons introduit un concept pionnier qui exploite des lasers à haute énergie pour faciliter la conversion de divers oxydes en nitrures », explique le premier auteur Huize Wang, de l’Institut Helmholtz pour les énergies renouvelables, en Allemagne. «Nous avons atteint un rendement sans précédent (…) dans des conditions de température ambiante et de pression atmosphérique, remarquable par rapport à d’autres méthodes», ajoute-t-il. Le rendement est deux fois supérieur à celui des autres solutions de pointe, notamment les méthodes électrochimiques et mécanochimiques.
«C’est une nouvelle méthode de production d’ammoniac vert», explique Victor Mougel, expert en transformation électrochimique de petites molécules basé à l’ETH Zurich, en Suisse. «Les méthodes (alternatives) sont potentiellement plus durables que le procédé Haber-Bosch, qui est très gourmand en énergie car il fonctionne à température et pression élevées et (…) contribue aux émissions de dioxyde de carbone.» Comme le procédé fonctionne dans des conditions ambiantes, il « offre une flexibilité opérationnelle, ainsi que des avantages environnementaux ». Ce procédé pourrait également permettre de produire de l’ammoniac là où il est nécessaire, réduisant ainsi les coûts de transport.
L’équipe a généré du lithium métallique à partir d’oxyde de lithium, grâce à un laser infrarouge qui fournit suffisamment d’énergie pour dissocier les liaisons lithium-oxygène. Lorsqu’il est exposé à l’air, le lithium métallique se lie spontanément à l’azote, brisant la triple liaison covalente azote-azote et générant du nitrure de lithium. «(Nous) hydrolysons ensuite ce nitrure de lithium généré par laser pour obtenir de l’ammoniac et de l’hydroxyde de lithium», explique Wang. De plus, cette approche offre la possibilité de réaliser un cycle chimique. «Un laser (peut) induire la reconversion de l’hydroxyde de lithium en nitrure de lithium, fermant ainsi efficacement le cycle du lithium», ajoute-t-il. « Il s’agit également d’un autre concept nouveau : la conversion de l’hydroxyde en nitrure. »
Ifan Stephens, expert en électrochimie et en fixation d’azote à l’Imperial College de Londres, au Royaume-Uni, reste sceptique. « Je ne suis pas sûr que ces taux élevés puissent être maintenus pendant de longues périodes », dit-il. « De plus, (…) le fait qu’il s’agisse d’un processus par lots, par opposition à un processus continu, poserait des limites significatives à sa viabilité. » En revanche, les technologies électrochimiques fonctionnent en continu, ce qui « offre un avantage significatif par rapport à la nouvelle méthode induite par laser », selon Stephens. De plus, les besoins énergétiques des lasers pourraient poser des problèmes pour augmenter la synthèse d’ammoniac. «Si vous (…) produisez de l’ammoniac à petite échelle, comme engrais pour les régions isolées, alors l’efficacité énergétique devient moins importante», ajoute-t-il.
«Par rapport à l’électrochimie, notre méthode offre des avantages significatifs (tels que) la désolvatation et la simplification», affirme Wang. De plus, « la mise à l’échelle (…) présente le défi le plus important pour toutes les approches émergentes de synthèse de l’ammoniac ». Les chercheurs envisagent d’étendre le processus en distribuant de la poudre d’oxyde de lithium sur une surface quadrillée, puis en irradiant les réseaux de cellules de réaction avec le laser, de manière séquentielle. De plus, les chercheurs ont observé un comportement similaire avec d’autres oxydes, tels que le magnésium, l’aluminium, le zinc et le calcium, bien que le rendement soit inférieur. «(Cela) pourrait être dû au fait que ces autres oxydes sont plus difficiles à dissocier et à hydrolyser», explique Stephens. Cependant, la réactivité des métaux alcalins et alcalino-terreux vis-à-vis de l’azote semble prometteuse. «Nos travaux récents montrent que des métaux plus abondants, tels que le magnésium et le calcium, peuvent également dissocier l’azote», explique-t-il.