L'extrême droite battue aux élections françaises
Ce qui vient de se passer en France offre des leçons importantes à tous ceux qui sont, à juste titre, terrifiés par la montée du populisme de droite. La montée du Rassemblement national d’extrême droite et de son programme anti-immigrés vicieux représentait une menace majeure à l’approche du second tour des élections à l’Assemblée nationale en France cet été. Serait-ce le moment où le RN percerait, après avoir gagné du terrain au fil des années de régimes politiques procapitalistes et centristes ?
Le second tour a été un triomphe non pas de l'extrême droite, mais de la gauche, organisée au sein du Nouveau Front populaire (NFP), une coalition de quatre partis. En rompant avec la politique centriste de Macron et en proposant une véritable alternative aux classes populaires et aux jeunes, ces partis ont massivement augmenté la participation électorale. L'extrême droite a été battue dans les urnes et reléguée à la troisième place, la nouvelle coalition de gauche terminant avec le plus de sièges.
Ce résultat a été un immense soulagement pour toute une partie de la société française, horrifiée par les positions racistes et généralement réactionnaires de l’extrême droite. Cependant, la voie à suivre pour les travailleurs et les jeunes français n’est pas encore tout à fait claire et la lutte contre l’extrême droite est loin d’être terminée.
Le RN a fait campagne pour les élections européennes en début d'année sur un programme de populisme économique, notamment une promesse de ramener l'âge de la retraite à 62 ans. Malgré 18 mois de grèves et de manifestations en 2022, Macron a atteint son objectif de relever l'âge de la retraite à 64 ans, mais a été contraint de le faire par décret présidentiel. Alors que le RN se rapprochait du pouvoir alors qu'il semblait pouvoir remporter le plus de sièges à l'Assemblée, le chef de file du Parlement Jordan Bardella a renié sa promesse de retraite, rassurant la classe capitaliste sur le fait que le RN n'avait pas de réelles intentions de mener des réformes en faveur des travailleurs.
Le gouvernement est pratiquement gelé, le Premier ministre issu du parti de Macron étant maintenu à la tête du pays. Après 16 jours d’intenses négociations, le NFP a accepté de nommer sa propre candidate au poste de Premier ministre, une fonctionnaire et militante peu connue, Lucie Castets. Macron a immédiatement rejeté Castets et insiste sur le fait qu’il est possible de trouver un candidat qui plaise à une majorité de l’Assemblée, malgré le fait que celle-ci soit divisée en trois. Cela montre que lorsque des politiciens comme Macron appellent à « l’unité », ce qu’ils veulent en réalité, c’est que les gens de la classe ouvrière abandonnent leurs ambitions et leurs revendications pour le « bien commun » de préserver un gouvernement fonctionnel pour le capitalisme.
Castets profiterait de la « trêve olympique » politique décrétée par Macron pour faire le tour du pays et rallier des soutiens à sa candidature. Dans une interview du 28 juillet, elle a déclaré qu'elle serait prête à faire des compromis avec n'importe quel parti politique autre que le RN de droite. Pendant ce temps, les conseillers de Macron élaborent un plan pour un gouvernement de consensus qui plairait à la gauche comme à la droite. Castets et le NFP risquent de commettre la même erreur que le plan Macron pour un gouvernement de consensus : se diriger vers un centre politique qui s'effondre rapidement.
La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon est le parti le plus dynamique et le plus à gauche du NFP, et continuera à subir des pressions au sein du NFP pour modérer ses revendications les plus radicales. LFI est soumise à une campagne d'attaques et de calomnies de la part des médias grand public et de l'establishment politique parce que la classe capitaliste est complètement opposée aux principales revendications de LFI : augmenter le salaire minimum, abroger la réforme des retraites détestée de Macron et augmenter les impôts sur les entreprises et les riches.
En revanche, la réponse proposée par le RN, qui fait des immigrés des boucs émissaires racistes, est non seulement source de division et de haine, mais elle ne résout pas le problème de la dégradation de la qualité de vie que la droite prétend résoudre. C'est pourquoi il est essentiel que la gauche ne renonce pas à son programme en faveur de la classe ouvrière, même si cela devait faire tomber le gouvernement d'unité de Marcron. La classe ouvrière et les jeunes, et non les capitalistes libéraux, sont les seules forces qui peuvent vaincre l'extrême droite une fois pour toutes.
Les capitalistes n’ont pas peur de se battre pour leurs profits, quoi qu’il arrive. Le gouvernement français est sous pression pour réduire sa dette, qui est parmi les plus élevées de l’Union européenne, et il réduira les services publics, indépendamment de la couleur de peau ou du pays de naissance des personnes qui les utilisent.
En fin de compte, le capitalisme est en crise partout dans le monde, incapable de générer le même niveau de profits qu’auparavant. Tous les partis politiques subiront la pression des marchés financiers et de la classe capitaliste de leur pays pour réduire les besoins des travailleurs, afin de rendre le capitalisme de leur pays plus « compétitif ». Seuls un parti et des politiciens véritablement indépendants des exigences des capitalistes et s’appuyant sur le pouvoir de la classe ouvrière peuvent résister à cette pression sur le long terme.
Il est très peu probable que Macron accepte Castets comme nouveau Premier ministre. Une énorme pression de la part des marchés financiers s'exercera sur le NFP pour qu'il accepte un gouvernement de compromis, en particulier parce que la constitution française interdit de nouvelles élections avant au moins 12 mois. Macron cherchera probablement à séparer le Parti socialiste et les Verts de LFI et à constituer une coalition capitaliste au-dessus des têtes des électeurs français avec une faible majorité.
Ce genre de gouvernement centriste, qui mettrait en œuvre des politiques exigées par les marchés capitalistes, n’aurait aucun mandat populaire, attaquerait la classe ouvrière et serait en fait un vecteur de vote vers l’extrême droite à l’approche de la prochaine élection présidentielle de 2027. Une alliance électorale et des manœuvres parlementaires ne vaincraront pas l’extrême droite. Afin de poursuivre sur la lancée de la victoire éclatante du NFP, la LFI doit s’unir aux syndicats et construire un mouvement sur les lieux de travail, dans les communautés, à l’école et dans la rue pour s’opposer au système capitaliste désastreux et défendre la construction d’une alternative socialiste. Un tel mouvement de masse, soutenu par des organisations démocratiques de lutte, est le seul moyen de vaincre l’extrême droite.
LFI ne représente pas un parti démocratique, organisé par la base, mais est dirigé par une figure de proue, Jean-Luc Mélenchon, comme le sont certains partis capitalistes. Pour construire le mouvement dont la classe ouvrière française a besoin dans cette situation, LFI doit lancer un parti de masse de lutte doté d'un programme sans compromis pour un changement socialiste qui puisse gagner l'unité dans l'action des travailleurs, des agriculteurs, des migrants et des jeunes.