Des chimistes découvrent de nouveaux pigments d’oxyde de plomb (II) dans La Joconde et la Cène
L’analyse chimique de La Joconde et de la Cène de Léonard de Vinci a révélé la présence de plombonacrite et de shannonite, des composés de plomb rares, stables uniquement dans un environnement alcalin. Les couches de base des peintures ont révélé une teneur élevée en plomb sous plusieurs formes, la shannonite étant détectée pour la première fois dans une peinture historique.
Un microéchantillon de la couche de base blanche de Mona Lisa a été analysé par diffraction des rayons X synchrotron à haute résolution angulaire et par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier, confirmant la présence de blanc de plomb – un pigment blanc à base de plomb largement utilisé, composé de deux principaux carbonates de plomb, hydrocérussite et cérusite. De plus, le diagramme de diffraction de la plumbonacrite était faible mais sans ambiguïté, un résultat inattendu puisque ce carbonate de plomb rare n’a pas été rapporté dans les analyses précédentes des œuvres d’art de la Renaissance italienne.
De l’oxyde de plomb a également été identifié dans la Cène, une fresque murale du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan, où Léonard a expérimenté l’application d’huile siccative sur le mur, renforçant la luminosité des couches colorées au-dessus. Pour la première fois, de la shannonite a été détectée dans plusieurs échantillons, ainsi que de la plumbonacrite dans la couche d’apprêt du tableau et dans toute la peinture colorée. De grosses particules cristallines de PbO ont également été observées et celles-ci sont restées non carbonatées même après 500 ans d’exposition à l’air. Les chercheurs émettent l’hypothèse que le PbO se transforme in situ en plombonacrite à partir de la carbonatation du PbO.. Ils font allusion à un mécanisme impliquant des réactions chimiques entre le mélange pétrolier et le PbO, via la shannonite comme intermédiaire. En fin de compte, la shannonite se transforme en hydrocérussite, un composant majeur du blanc de plomb.
Pour retracer l’historique de l’utilisation de ces composés principaux, une étude détaillée des manuscrits de Léonard a également été réalisée. Le PbO existe sous forme polymorphe avec deux variétés : la litharge (rouge orangé) et le massicot (jaune). Les deux sont présents naturellement sous forme de minéraux rares et les pigments rouges traditionnels contiennent des quantités substantielles de l’une ou l’autre forme. Il a été constaté que Léonard avait fait référence à la litharge, en relation avec des remèdes pour traiter la peau et les cheveux. Bien que d’autres mentions soient absentes, cela prouve qu’il disposait du composé et que son intérêt pour la médecine et la science a pu influencer ses techniques de peinture.
Des sondes très sensibles, associées à une analyse minutieuse des données, pourraient découvrir des composés similaires dans d’autres œuvres de Léonard et de ses contemporains. Comme il n’existe aucune description écrite des recettes de l’artiste pour confirmer les hypothèses des scientifiques, ils envisagent désormais d’explorer davantage les mécanismes qui ont produit ces minéraux dans les peintures.