MAL-ÊTRE ET INÉGALITÉS, LES RÉSULTATS DU CONFINEMENT LYCÉEN !

Du fait de la situation de confinement et de la mise en place de la continuité pédagogique, nous nous sommes vite aperçus que les élèves n’étaient pas logé.e.s à la même enseigne : conditions de logement, conditions de confinement, possession de matériel, frères et soeurs à garder, période de deuil, tout autant de variables qui ne permettent pas aux élèves de suivre des cours ou d’être noté.e.s de manière égalitaire. Or, cela a des conséquences sur une potentielle prise en compte d’un contrôle continu du 3eme trimestre, ou sur la préparation d’un examen du baccalauréat.  Contrairement à ce qui était annoncé par le gouvernement dans les média, rien n’était prêt pour relever ce défi technique et pédagogique qu’est la mise en place des cours à distance. Les espaces numériques de travail se sont ainsi retrouvés surchargés et de nombreux élèves découragés par cette situation. 

C’est en partant de ces observations de terrain que la mise en place de notre grande consultation nationale nous a semblé nécessaire. Il nous fallait pouvoir quantifier l’impact du confinement sur nos études et nos vies, pour le dénoncer, pour demander une amélioration rapide et pour déterminer quelles notations étaient les plus adéquates.

Comment les études ont été menées ? 

L’étude est basée sur une consultation en ligne ayant récolté 2560 réponses, avec un questionnaire national et quelques déclinaisons locales. Les répondant.e.s viennent de toute la France et de manière plus ou moins égalitaire de la campagne (⅓), de banlieue (⅓) et de centre ville (⅓). 

Cependant, notre enquête connaît une limite indéniable s’agissant des questions de fracture numérique car les répondant.e.s ont besoin d’un accès à internet pour pouvoir compléter le questionnaire. De fait, les questions d’accès à un ordinateur, à internet et la question du décrochage doivent être analysées en prenant en compte cette information. 

Partie I – Une période de confinement précédée par la mise en place de nouvelles réformes et par des mouvements sociaux

Depuis 3 ans, le système éducatif connaît des bouleversements d’ampleur. Il est important de les prendre en compte et de prendre en compte le contexte social dans lequel s’est inscrit la crise du coronavirus et comprendre les mécanismes qui ont été décuplés durant le confinement.

Une réforme du lycée qui accentue les inégalités 

Dès 2018, le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer s’est attelé à mettre en place des réformes de l’enseignement secondaire.

Tout d’abord, la réforme du lycée a mis fin aux filières, ainsi remplacées par un choix d’enseignement de spécialités. Or, la carte des enseignements de spécialités est disparate. Certains lycées ne disposent que de quatres ou cinq spécialités sur les douze existantes quand d’autres, bien plus rares, les ont toutes. Selon notre lycée d’origine, nous n’aurons donc pas les mêmes possibilités d’apprentissage et donc d’avenir, ce qui est profondément injuste.

Cette réforme induit également une orientation vécue sous la contrainte d’un choix fait trop tôt et sans les moyens nécessaires pour le faire de manière parfaitement éclairée. A l’inverse des filières qui permettaient une ré-orientation et une connaissance relative du contenu qu’elles apportaient, les spécialités forment un système opaque aux yeux des élèves et de l’administration de l’éducation nationale du fait de sa mise en place précipitée et qui enferme les élèves dans des choix portant encore le poids d’un héritage social défini. Il y a ainsi une inégalité face à l’orientation qui se retrouve exacerbée, ce qui aggrave la reproduction sociale. C’est pourquoi nous avons porté la revendication d’un véritable service public d’orientation au cours des dernières années.

En voie professionnelle comme générale, la réforme des lycées a mis en place de nombreux changements dans l’enseignement de disciplines appartenant à un tronc commun. Or, la constitution de ce tronc commun n’est pas neutre, ces changements ont ainsi induit une mise à l’écart des élèves les moins favorisé.e.s des matières de culture générale. Pour les élèves en voie générale, l’absence des mathématiques dans le tronc commun, par ailleurs dénoncée par le rapport d’une commission d’enquête de l’Assemblée Nationale, prive un nombre important d’élèves d’une matière qui devrait être enseignée à tous et toutes. Pour les élèves en voie professionnelle, leur accès à des disciplines d’enseignement général a été drastiquement réduit (mathématiques, sciences, français, arts appliqués, histoire-géographie), pourtant vecteur d’émancipation, d’intégration et qui auraient pu permettre de faire accepter leur dossier dans l’enseignement supérieur. De manière générale la réforme de la voie professionnelle a modifié le programme scolaire et créé les “campus d’excellence”, financés par les régions et donc répartis inégalement sur tout le territoire. Les enseignements des lycéen.ne.s répondent ainsi à un besoin immédiat de main d’oeuvre dans certains secteurs. C’est une situation très peu sécurisante pour les bachelier.e.s qui entreront sur un marché du travail en constante mutation. De plus, c’est un frein à la mobilité 

des jeunes, qui auront décroché un diplôme ne pouvant pas s’exporter car calibré sur l’industrie de sa région d’obtention.

2. Une réforme du baccalauréat qui retire à ce diplôme sa valeur nationale

  La principale nouveauté induite par cette réforme consiste en la mise en place d’une part de contrôle continu dans l’obtention du diplôme. Alors qu’auparavant tout se jouait sur les épreuves terminales de juillet, aujourd’hui sont pris en compte à hauteur de 10 % de la note finale nos notes trimestrielles, et à hauteur de 30 % les notes des épreuves communes de contrôle continu (E3C), s’apparentant à des épreuves partielles se déroulant au cours de l’année. 

Si trouver une solution au bachotage, et au stress qu’il inflige aux élèves, nous semblait nécessaire, la solution proposée par le gouvernement n’est pas acceptable en l’état. Celle-ci ne permet plus aux élèves d’être jugé.e.s de manière anonyme et neutre. Des études montrent ainsi qu’à compétences égales, le prénom (notamment son genre ou son origine prétendue) peut influer sur la notation de nos enseignant.e.s, qui restent des individus, ayant donc une part de subjectivité.

Si la mise en place d’épreuves partielles nous semble plus pertinente que le bachotage annuel qu’est l’épreuve terminale du bac, les conditions dans lesquelles celles-ci ont été mises en place ne sont également pas acceptables. Elles ne se déroulent pas au même moment pour toutes et tous, un intervalle de quinze jours étant autorisé entre les lycées. Ces épreuves sont corrigées par académie et non nationalement. Les élèves sont parfois interrogé.e.s sur des notions qu’ils et elles connaissent à l’avance. En bref, cette épreuve n’est en aucun cas une épreuve nationale !

Nous dénonçons ce nouveau baccalauréat, dont la valeur sera influencée par l’origine sociale des élèves le détenant.

3. Une plateforme parcoursup qui trie socialement les élèves 

Ces réformes de l’enseignement secondaire ont été couplées à une réforme de l’entrée dans l’enseignement supérieur, celle de la création de Parcoursup. Cette plateforme accorde ou non une place dans l’enseignement supérieur aux élèves de terminale sur la base de pré-requis : la participation à des activités extra-scolaires, comme des voyages linguistiques par exemple, est favorisée dans le dossier de l’élève. Ces prérequis ne sont pas neutres. Les élèves qui ont le plus de pré-requis sont les élèves les plus favorisé.e.s socialement, ce qui représente une injustice. Parcoursup met fin au droit aux études supérieures pour tous et toutes. Le ministère de l’enseignement supérieur affirme que 1 175 élèves se sont ainsi retrouvé.e.s “sans-fac” l’an dernier, car tous leurs voeux ont été refusés par la plateforme. Ce chiffre est en réalité bien plus élevé. La procédure de recensement du gouvernement ne prend pas en compte les élèves démissionnaires de la plateforme, l’ayant quitté par dépit car n’ayant aucun voeux accepté. Nous jugeons anormales ces situations, car si les bachelier.e.s veulent poursuivre leurs études, c’est pour s’assurer de trouver du travail par la suite. De quel droit les priverait-on d’une poursuite d’études ? !

4. Un déni démocratique au détriment des premiers concernés : personnel éducatif, élèves…  :

Depuis le début du mandat du ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, la place des fonctionnaires est dévoyée. La Loi pour une École de la confiance, loi phare du ministère de l’éducation nationale actuel, a mis à mal la liberté d’expression des enseignant.e.s. Son article premier porte sur l’exemplarité des membres de la communauté éducative. Il s’agit de sanctionner des “faits portant atteinte à la réputation du service public” et donc d’instaurer une interdiction de porter des critiques sur les politiques éducatives, critiques pourtant respectueuses de leur devoir de réserve. “Ce n’est pas seulement la liberté pédagogique des enseignants qui est mise à mal, mais aussi la liberté de pensée d’une Institution toute entière mise au pas.” jugent certains hauts-fonctionnaires du ministère de l’éducation nationale. Les professeur.e.s ont donc logiquement fait entendre leur mécontentement à l’occasion de grèves successives, notamment à l’occasion du bac 2019 en mettant en oeuvre la rétention des notes.

De plus, les réformes du bac et du lycée ont été mises en place sans consultation des lycéens et lycéennes, qui sont les premier.e.s concerné.e.sLes syndicats d’élèves n’ont pas été écoutés, voire tout simplement pas reçu, par le ministre Jean-Michel Blanquer qui a également décidé d’outrepasser les avis du Conseil Supérieur de l’éducation. L’inspection générale de l’éducation n’a pas non plus été écoutée, alors qu’elle affirme que “ces nouvelles épreuves sont vécues comme « un élément de complexité excessive », qui mettent les élèves « constamment sous la pression de l’évaluation ».”4

 Malgré les diverses mobilisations, en décembre 2018 et en janvier-février 2020 durant la première session d’E3C, le ministre est resté sourd à nos demandes. Plus que du mépris, ce mandat a aussi été marqué par des violences. D’une part, les répressions policières ont été sans précédent, comme en témoignent les événements de Mantes-la-Jolie. D’autre part, la répression administrative a elle aussi atteint son paroxysme : un nombre important d’élèves sont passé.e.s en conseil de discipline et ont écopé de lourdes sanctions. 

Les trois dernières années scolaires ont été des années de mobilisation constante pour la jeunesse, qui n’a demandé qu’à être entendue sans que cela ne soit fructueux. Plus largement, personnels comme élèves naviguent à vue depuis maintenant trois ans du fait du manque de débats entre les acteurs de l’éducation et le gouvernement.

Partie II – Le confinement des élèves, l’exacerbation des inégalités et la mise en exergue de l’échec de l’École.

L’impossible maintien d’un rythme scolaire durant le confinement 

83 % des répondant·e·s sont confiné·e·s avec leurs frères et soeurs, qui sont au nombre d’un ou deux le plus souvent. Cette donnée nous semble préoccupante au regard de l’espace disponible pour chaque personne, de la facilité à se supporter mutuellement. 

“La cohabitation avec l’un de mes frères était déjà compliquée avant mais maintenant que c’est à temps plein c’est vraiment insupportable et pesant. Je sais que je ne suis pas seule dans cette situation.

Une enquête d’avril 2020 de l’INSEE évalue à 5 millions le nombre de  français.es vivant dans un logement au nombre de pièces insuffisant. “Environ un couple sur dix ayant un ou plusieurs enfants de moins de 10 ans vit dans un logement suroccupé. Ce taux grimpe à 25 % chez les familles monoparentales. […] Les ménages concernés habitent principalement dans les grandes agglomérations. [..] Situation préoccupante en Île-de-France, en Paca et dans les quartiers “prioritaires”

En banlieue, le problème du mal-logement a pris une place prépondérante pendant le confinement. Cette situation a un impact sur le bien-être des populations. De plus, le délabrement des immeubles couplé à la faible taille des appartements a accentué la diffusion de l’épidémie. Des habitant.e.s témoignent ainsi “qu’il n’est pas rare que les gens partagent des lits. Pendant que les uns travaillent le jour et dorment la nuit, les autres font l’inverse”. 

Enfin, la présence de frères et soeurs nous impose parfois le fait de devoir les garder, les surveiller (notamment si les parents travaillent hors du domicile) ce qui là aussi peut être un frein au suivi des cours alors même que le rythme est exigeant. 

“Faire comprendre à ma famille que je devais impérativement avoir un espace à moi et ne pas être dérangée quand je travaillais à été plus difficile d’autant plus que la connexion n’est pas des meilleures chez nous.”

Élément plus inquiétant, 15 % des élèves ont été confiné·e·s sans leurs parents. L’indépendance des lycéens et lycéennes est un fait qui est bien souvent ignoré dans les débats publiques. Pourtant, cette situation impose une charge de travail domestique supplémentaire, et retire la possibilité à ces élèves de se faire aider dans leurs devoirs, ce qui a une grande influence sur leur réussite scolaire.

L’outil de travail partagé : un élève sur quatre ne dispose pas d’un ordinateur personnel

Avec un ordinateur familial, le suivi des cours en ligne peut devenir très compliqué puisque l’ordinateur est partagé. En période de télétravail, cet ordinateur sera  prioritairement utilisé en grande partie par les parents. Il faut ajouter à cela qu’il peut être partagé entre frères et soeurs devant suivre leurs cours à la maison. Une part non-négligeable des élèves n’était donc pas en capacité de suivre avec suffisamment d’assiduité les cours à la maison.

“Par exemple, dans mon petit village, un père d’élève, seul avec ses quatre filles en élémentaire, collège et lycée, doit leur permettre de travailler avec un seul ordinateur !”

Un accès limité à internet : l’impossibilité matérielle de suivre des cours. 

Les élèves disposant d’un accès permanent à internet (connexion et matériel) sont très minoritaires. De plus, “12 % des personnes n’ont pas accès à Internet à leur domicile, note l’Insee, et ce quel que soit le type d’appareil (ordinateur, tablette ou téléphone portable).” Beaucoup d’élèves signalent des problèmes dans le fonctionnement des outils numériques à disposition pour suivre les cours à distance : 

  • 18 % déclarent avoir déjà renoncé à suivre un cours en ligne du fait que la connection à l’outil numérique leur était impossible, 
  • 22,7 % déclarent qu’un cours en ligne à déjà été annulé suite à des problèmes techniques. 
“Pas de wifi ni de box chez moi, connexion internet compliquée (je n’arrive plus à me connecter à pronote) c’est dur de suivre malgré un soutien de certains profs et de mon CPE référent”

Une continuité pédagogique qui n’a été ni continue, ni pédagogique. 

  1. Les cours par visioconférence irrégulièrement suivi dans 65,1 % des cas.
“La continuité pédagogique est bien trop inégale même au sein d’une même classe (je le constate à mes cours par Visio conférence où nous sommes généralement 12 ou 13 sur un total de 30 élèves…) on ne possède pas tous un ordi ou une bonne connexion….”

Sensés être une pierre angulaire du projet de cours à distance du gouvernement, les cours par visioconférence n’ont pas pu être réguliers. Plus inquiétant encore, 13,9 % des élèves n’ont pas eu de cours en visioconférence. 

On remarque des inégalités d’accès aux cours par visioconférences à toutes les échelles, que cela soit d’une région à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’une classe à l’autre et même au sein d’une même classe. Cette situation n’a pas été sans conséquences : les disparités du confinement accentuent l’existence d’une éducation à deux vitesses qui remet en cause le principe d’égalité face à l’éducation. Les élèves n’ont donc pas tous avancé de la même manière sur le programme scolaire et n’ont pas tous autant préparé leurs examens.

Les soutiens inégalitaires aux élèves 

a. Un.e élève sur 4 déclarent ne pas avoir conservé de lien avec son lycée

Un nombre important d’élèves disent s’être sentis délaissé.es par l’institution scolaire. En effet, 14,6 % d’entre-elleux déclarent ne pas s’être sentis épaulé.e.s par leur professeur.e.s.

Ce chiffre démontre la rupture qu’il y a pu avoir entre les élèves et l’institution scolaire. C’est notamment dû à un certain nombre de disparités, aux conditions qui n’étaient pas réunies pour le faire.

Enseigner à distance, cela nécessite pour les professeurs d’avoir accès à un équipement informatique de qualité. Or, rappelons que malgré les injonctions ministérielles au télétravail, les enseignants doivent utiliser leur propre matériel… quand ils en ont ! “. 

“Le soutien des profs est inégal : certains donnent autant de travail que si on était en cours (ex : mon prof de maths, j’ai 4h de maths à faire par semaine, dont des cours virtuels) mais d’autres sont complètement absents (ex : ma prof de français n’a pas d’ordinateur, des cours nous sont transmis par quelqu’un d’autre, les questions qu’on pose n’ont pas de réponse, alors que je suis en première et que j’ai l’oral de français). Pour finir, certains “balancent” des devoirs sans explications.

En plus de ne pas avoir tous les outils (matériel et de formation) nécessaires pour adapter les méthodes de cours pendant le confinement, les professeur.e.s subissent les mêmes inconvénients de cette crise : l’instauration d’un climat d’anxiété dans la population, que cela soit à cause de l’enfermement ou du deuil qu’elle engendre. Ces problématiques s’appliquent aux élèves mais aussi aux enseignant.e.s. Ces dernier.e.s n’ont ainsi pas tous et  toutes pu prendre le temps pour maintenir une continuité pédagogique avec leurs élèves.

“Tout notre travail (de professeur ndlr) est basé sur l’interaction, sur réfléchir à comment on fait quand on saisit un regard flou, comment on reformule une question mal comprise… là, c’est complètement unilatéral.”

“ Si on parle beaucoup de l’absentéisme des élèves, on parle beaucoup moins de celui des profs … J’ai même une prof qui a fait deux apparitions pendant ce confinement, à chaque fois un simple envoi de fichier + devoir… La première fois, même pas 10 lignes de cours (dont les 3/4 sont une citation) + un exercice facultatif cette fois-ci, travail en groupe (alors qu’on est confiné), aucun cours. Juste, prenez les questions, débrouillez-vous. Étant en première, la réforme ne facilitait déjà pas les choses, mais là c’est pire …”

b. Une majorité d’élèves seule pour travailler

70,9 % des élèves déclarent avoir travaillé seul leurs cours, mais seul 35 % des répondant.e.s ont bénéficié d’aide de la part de leur famille. 

L’aide aux devoirs par la famille est un vecteur de forte reproduction des inégalités. En effet, les parents peuvent nous apporter un apport de connaissance théorique et méthodologique qui aura un impact direct sur notre réussite scolaire. Cette inégalité d’apport selon les parents, s’est fait d’autant plus ressentir que les parents se sont ainsi fait professeur pendant ce confinement, avec un succès relatif. 

Les connaissances théoriques et méthodologiques des parents ont un impact direct sur la réussite de leur enfant. Cela a été source de mal-être dans de nombreuses familles n’ayant pas toutes les ressources pour aider leurs enfants. Dans un entretien pour France Culture, la représentante de l’association des parents d’élèves du quartier populaire du Petit Bard à Montpellier, faisant parti du réseau d’éducation prioritaire témoigne : Avec le confinement, une pression scolaire certaine s’est installée dans de nombreuses familles, puisque l’enfant est à la maison et qu’il faut éviter qu’il ne soit plus en difficulté qu’auparavant.”

Le rôle de l’école en tant qu’institution est de résorber cette inégalité entre les ménages pour donner les mêmes chances à tous. Si d’ordinaire l’École peine à remplir ce rôle, le confinement a entériné cela. C’est une fracture sociale qui a pu s’accentuer sans que l’Etat ne sache inverser la tendance

c. La solidarité entre les élèves 

Ce confinement a été l’occasion de voir de nouveaux liens se développer entre les élèves. La majorité des élèves font parti d’un groupe de classe sur les réseaux sociaux, qui a pu permettre au trois quart des élèves qui en possède un, de recevoir de l’aide par ses pairs. Si les groupes de classes existaient déjà avant le confinement, leur utilité à été renouvelée. Dans une perspective d’innovation pédagogique, il est indéniable que le partage de savoir entre pairs trouve toute sa place. Il est cependant regrettable que cette nouvelle façon de concevoir l’apprentissage ne soit qu’un “dernier recours”, suite à l’absence plus ou moins forte de parents ou de professeurs capables d’adresser une aide suffisante aux élèves.

Zoom sur le décrochage scolaire : La continuité pédagogique n’a pas eu l’effet escompté. Pire, nous avons pu constater que le décrochage scolaire avait considérablement augmenté pendant cette période bien que ce phénomène était déjà présent auparavant. Selon le ministre de l’éducation, 5 à 8 % des élèves ont été perdus par leurs enseignant.e.s et seraient donc en situation de décrochage scolaire. “C’est bien sûr dans les quartiers populaires que les questions d’inégalités sociales, éducatives et numériques sont les plus préoccupantes. Les difficultés s’y amplifient avec le confinement, les pertes de revenus, l’accès plus difficile aux aides alimentaires, aux soins et aux aides sociales. Les familles se retrouvent confinées dans des appartements trop petits et, pour certaines, avec l’angoisse de la contamination pour tous ceux qui exercent les métiers « indispensables » : aides-soignants, éboueurs, livreurs, caissières, femmes de ménage, chauffeurs… qui ne peuvent télétravailler.”Toutefois, il s’avère que de nombreuses situations ne sont pas prises en compte. Un nombre considérable de lycéen.ne.s se trouvent dans des zones blanches ou encore avec très peu de moyens de communication ce qui complique fortement l’entretien de lien avec les établissements scolaires. Marie-Hélène Bacqué, sociologue et professeure en études urbaines à l’université de Paris-Nanterre livre son analyse à Ouest-France : “Je doute de ce chiffre à 4 %. A l’université où j’exerce par exemple, la la proportion d’étudiants « perdus » est plus importante. Mais oui, un certain nombre d’élèves sont injoignables car ils ne peuvent se connecter faute de matériel, car ils ne disposent pas d’une chambre isolée pour travailler, parce que leurs parents ne peuvent les aider… L’école était déjà inégalitaire. Cette crise renforce les inégalités.”Enfin, ce décrochage n’a été justifié que par une “fracture numérique” (zone blanche, absence d’ordinateur ou tablette). Or, il faut autant prendre en compte l’éloignement social et culturel vis-à-vis des technologies numériques, que celui vis-à-vis de l’institution scolaire.Pour autant, à l’ère du numérique et des nouvelles technologies constantes, il serait également approprié de revoir les méthodes pédagogiques en comprenant et intégrant les pratiques pédagogiques des jeunes. “L’expérience du confinement est intense et massive. C’est un « fait social total », pour reprendre l’expression de Marcel Mauss (1923). La reproduction à distance de la norme scolaire classique et de ses attendus, avec les contradictions, la charge mentale et les conflits de légitimité qu’elle représente, est une voie sans issue. Non, ces élèves n’ont pas été « perdus » par les enseignants, mais laissés pour compte par l’ensemble de la société. Ils nous montrent néanmoins la voie pour construire une nouvelle école républicaine moins ségrégative et plus inclusive en s’appuyant sur le potentiel d’émancipation et le pouvoir d’agir partagé des usages des technologies numériques.

Une charge de travail difficile à assumer en temps de confinement

Cela démontre que la “continuité pédagogique” est soit impossible soit inefficace. De plus, la charge de travail ressentie par les personnes ayant répondu est bien différente en fonction des réponses.

Seul 24 % des élèves estiment avoir un charge de travail satisfaisante. Cela signifie donc que trois élèves sur quatre auraient une charge de travail trop élevée ou trop faible pour garder le rythme étant donné les conditions de confinement. Ceci est à mettre en parallèle avec le deuxième graphique où l’on constate que dans 60,8 % des cas les élèves n’arrivent pas à avoir un rythme de travail régulier. 

Le rythme de travail ne peut donc pas être régulé car la charge de travail est difficile à assumer pour une majorité d’élèves dans le cadre du confinement. Cette période de confinement n’a donc pas été de tout repos pour les élèves : à l’anxiété causée par l’épidémie s’ajoute un stress, du fait d’épreuves à préparer dans des conditions difficiles, notamment à cause d’un rythme scolaire intense.

“Je trouve que certains profs nous envoient trop de devoirs même en période de vacances. Personnellement j’arrivais à peu près à suivre au début mais ça fait au moins 2 semaines que j’ai décroché et je ne trouve pas la motivation pour travailler

Le confinement et les vacances sont deux temps incompatibles. Jean-Michel Blanquer a déclaré le lancement de “l’opération “vacances apprenantes” pour que les élèves puissent travailler pendant les vacances”. Pourtant, la charge de travail des élèves n’était pas moins grande en période de confinement qu’en période de classe, bien au contraire. “Certains professeurs continuaient d’envoyer des cours en ligne ou même de prévoir de heures de classes virtuelles sous prétexte que “en confinement de toute façon vous ne serez pas autre part”, j’avais des cours pour une prépa médecine en même temps et ne pouvais pas accéder au deux à la fois.”

La manière dont se sont passées les vacances de Pâques est bien plus mitigée et compliquée que le constat du ministre. En effet, même si il y a moins de travail pendant ce temps nous ne sommes pas réellement en vacances lorsque nous sommes confiné.e.s. La période de confinement n’a pas été une période de tout repos pour les élèves. En plus du climat général, il y avait un stress vis-à-vis des examens, de la préparation du baccalauréat, et du retard dans l’acquisition des connaissances. Qui plus est, les temps de “repos” n’en étaient pas vraiment, car, marqués par l’ennui et l’absence de lien social avec les amis ou la famille, ils étaient difficiles à vivre. On voit de grandes différences entre élèves concernant le travail demandé durant la période alors même que beaucoup de témoignages montrent qu’il est de plus en plus difficile de jour en jour pour eux de se concentrer ou de travailler dans ces conditions. 

“Aucune différence entre les cours et les vacances car pas de sentiment de repos ; L’ennui est de plus en plus dur a gérer…”

4) La santé des élèves impactée par le confinement

Un rythme de vie anormal

On observe que cette période de confinement ne permet pas de garder un rythme normal de vie. En effet , il est compliqué de garder ce rythme pour 58.4 % des sondé.e.s. Ce problème s’observe en terme d’horaire de coucher et de lever. Nos journées sont constituées différemment, notamment par le fait de ne pas sortir de chez soi. La séparation entre temps de travail et temps de loisir est par ailleurs plus complexe à faire.

“Je n’arrive pas du tout à me mettre au travail et je remet toujours au lendemain mais c’est ça tous les jours et le rythme de sommeil est énormément déréglé”

b. Des perturbations du sommeil

Un quart des élèves déclarent dormir moins que d’habitude, ce qui n’est pas négligeable et met en perspective un impact néfaste du changement de rythme de vie pendant le confinement. Cela peut notamment s’expliquer par le fait qu’ils et elles doivent passer plus de temps devant les écrans, ne serait-ce que pour suivre leurs cours. De plus, 55 % des élèves déclarent dormir plus. 

La récupération de sommeil est un phénomène observé chez beaucoup de gens. Cela pose notamment question sur les rythmes scolaires jugés trop intenses et pas suffisamment répartis (entre les heures de cours, de transports et de révisions le soir). Au-delà des deux premières semaines de confinement, dormir plus n’est pas nécessairement positif. Il semblerait que beaucoup d’élèves vont se coucher plus tard et se réveille donc plus tard, perturbant leur rythme de vie habituel. Cette perturbation du sommeil en période de confinement s’explique par le climat d’anxiété, qui maintient une veille intellectuelle et mentale. Une enquête pour évaluer l’impact du confinement sur le sommeil et les rêves a notamment été lancée par Perrine Ruby, chercheuse INSERM au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, qui explique que “Il y a deux phénomènes que nous avons pu constater. Il y a à la fois l’ambiance anxiogène et le fait d’être enfermé. Ces deux phénomènes là ont vraisemblablement un effet sur notre sommeil puisque le fait de faire moins de sport, d’augmenter notre temps sur les écrans et de moins changer nos habitudes de vie comme à l’accoutumée peuvent expliquer le fait qu’énormément de personnes disent avoir plus de mal à s’endormir et se réveillent plus durant la nuit. Mais la très bonne nouvelle c’est que 50 % des personnes interrogées disent également dormir plus.”

Qui plus est le surplus de sommeil peut aussi témoigner d’un sentiment de déprime ou tout simplement être issu d’un sentiment d’ennui.

c. Une sédentarisation impactant la santé physique des élèves

45,4 % des répondant.e.s déclarent pratiquer une activité physique moins souvent en cette période. Ce qui explique que 36,5 % des répondant.e.s considèrent que leur santé physique va moins bien que d’habitude. “En nous privant de nos trajets quotidiens vers l’école ou le travail, le confinement fait chuter notre activité physique quotidienne et augmente la sédentarité, le temps passé en position assise ou couché en dehors des heures de sommeil […]”. Cela entraîne selon l’OMS les risques d’apparition d’obésité, de dépression et d’anxiété. 

“Je sens que petit à petit mon corps perd l’habitude d’être actif (je ne suis pas une grande sportive, mais je cours 2 fois par semaine, je vais au lycée à pied etc…) et j’ai peur de la sortie, je vais être incapable de parcourir plus de 15m à pied”

d. Santé mentale : les élèves impactés psychologiquement

“Je suis au lycée, en 1ere. Je suis tombée en dépression assez grave et j’ai complètement décroché des cours (j’étais pourtant jusqu’alors première de ma classe chaque année…). Je ne vois pas comment je vais m’en sortir à la “rentrée”..”

La question de la santé mentale des élèves durant le confinement est également un élément très préoccupant.  En effet, 47,6 % des répondant.e.s déclarent que leur santé mentale est pire que d’habitude.

 La détresse psychologique post-confinement est un phénomène pour lesquels de nombreux psychologue, psychiatre ont alerté : “Une durée de confinement de plus de dix jours, toutes études confondues, est prédictive de syndrome post-traumatique. En quelques mots, cela signifie que cela va générer à long terme du stress, de l’anxiété, des insomnies, on se sent incapable de faire quoi que ce soit…”. L’ONU est également intervenu à ce sujet, qui à travers son secrétaire général a déclaré “Même quand la pandémie sera maîtrisée, le deuil, l’anxiété et la dépression continueront d’affecter les personnes et les communautés“. 

S’agissant des élèves, on peut ajouter à cette analyse générale des éléments qui leurs sont spécifiques : difficultés rencontrées avec la continuité pédagogique,  incertitudes sur leur avenir, fin de l’année scolaire, etc. Il est donc important d’anticiper les gros risques de dépression, de décrochage scolaire et/ou de développement de phobie scolaire au retour à l’école. Il est fondamental qu’un suivi psychologique, doublé d’un suivi d’orientation, puisse se mettre en place avant le retour en cours, puis en physique à l’issue du retour en classe. 

“Le mental ne suit pas, donc même avec beaucoup d’accompagnement de la part des professeurs la situation est très dure et ce n’est pas assez pris en compte, la continuité pédagogique est possible pendant quelques semaines, mais à long terme c’est vraiment compliqué. ”

5) Les oublié.e.s du confinement : les élèves précaires. 

9.3 % des répondant.e.s déclarent ne pas manger à leur faim dont 4.6 % même hors période de confinement. C’est un constat alarmant !Le pourcentage de personnes ne mangeant pas à leur faim, en cette période spécifiquement, peut s’expliquer notamment  pas la fermeture des cantines scolaires avec la fermeture des établissements. Les cantines permettant aux élèves de pouvoir se nourrir lorsqu’ils y mangent pour un prix  plus abordable comparé au prix des courses notamment pour les familles nombreuses ou monoparentales.

De plus, cette précarité fait écho à une précarisation générale de la population durant le confinement. Beaucoup de foyers ont subi une perte de revenu,  due à une perte d’emploi ou encore au chômage partiel, et l’embauche est à l’arrêt. Nous avons assisté à une hausse du chômage historique. Ce phénomène a par ailleurs participé au creusement des inégalités et au renforcement de la précarité notamment dans certains départements comme la Seine Saint Denis  

“En 20 ans, l’association Rougemont Solidarité à Sevran a vu défiler 1 000 visages de la précarité : SDF, mères seules, travailleurs immigrés. Mais avec ce confinement, quelque chose a changé pour Cherifa Bounoua, la coordinatrice : « Des gens qui avaient des CDD, des gens qui étaient en intérim, ceux-là ont perdu leur boulot, même le chômage partiel des auto-entrepreneurs, explique-t-il. Donc le chiffre grossit. C’est simple, on a commencé avec une cinquantaine de SDF, et même pas une quinzaine de familles au début, là on touche presque 200 personnes. »”

Enfin, la question de l’emploi des lycéen.ne.s bien que peu visible dans la société est une réalité pour bon nombre de jeunes. En effet, 32.3 % des jeunes ayant répondu au questionnaire travaillent, et 6.7 % des répondant.e.s continuent même en cette période. Il y a donc une réelle préoccupation à avoir autour de la précarité des jeunes mais également des questions pédagogiques importantes à poser car les lycéen.ne.s travaillant à côté de leurs études ou en cette période ne peuvent décemment pas suivre au mieux leur scolarité.

Partie III – Les inquiétudes lycéennes : Un sentiment d’abandon général.

“Je trouve que le gouvernement a clairement délaissé les lycéens. Moi qui suit élève de 1ere, j’ai été dans le flou depuis septembre, nous avons eu cette nouvelle réforme, avec plein de grèves donc d’heures de cours manquées, les e3c décalés et les résultats retardés… Et là ? On nous prolonge le confinement jusqu’à je ne sais quand, c’est très long ! Je veux bien que la situation soit compliquée mais pourquoi nous faire attendre si au final on ne rentrera pas en cours en juin ou seulement pour 2/3 semaines… Autant nous le dire maintenant, mentalement ce serait plus simple. De plus pour l’oral de français, on est complètement lâché, ça se base sur un « on verra » mais c’est pas possible de travailler comme ça ! Je me demande vraiment pourquoi on laisse pas rentrer seulement les 1eres pour leur bac, qui se passe maintenant toute l’année de 1ere et de term…”

La période de confinement a laissé les élèves dans un flou total. Entre l’application de nouvelles réformes, les mouvements sociaux de cette année scolaire, le manque de réponse du gouvernement, l’idée générale qui ressort de cette enquête est que les élèves sont inquiet.e.s pour leur avenir. Entre inégalités sociales et sélection à l’entrée de l’université, beaucoup d’élèves voient qu’ils et elles n’ont pas forcément toutes les chances de leur côté. L’École ne répond plus à ses objectifs depuis un certain temps, et ce constat est particulièrement criant au regard de la période de confinement.

  • La peur de devoir retourner en cours. 
“Le potentiel retour en cours est une source de stress énorme, sans forcément parler des cours en eux même, mais ce que ça implique ; le risque de contaminer nos proches, qui est intensifié par le fait de prendre les transports en communs, d’aller en cours, être en contact indirect avec des personnes potentiellement porteuses du virus. Tant de questionnements. Une inquiétude qui ne cesse de s’accentuer. Et l’impression d’être parfois pris pour des cobayes”

Le ministère a maintenu le flou sur la possibilité ou non, pour les élèves en voie générale de retourner en cours pour quelques semaines au mois de juin. Or, qu’il s’agisse des lycéen.ne.s, collégien.ne.s, ou écolier.ère.s, le retour en classe semble aberrant pour une majorité de français.es. Le respect de la distanciation sociale semble en effet compliqué à appliquer, tout comme la désinfection de tous les locaux et matériels plusieurs fois dans la journée. Cette difficulté semble confirmée depuis l’ouverture des écoles, qui sont contraintes à refermer petit à petit en raison de suspicion de contamination.

  • Quid des E3C ? 

Les E3C – épreuves communes de contrôle continu, sont une nouveauté de cette rentrée scolaire, devant avoir lieu les 2eme et 3eme trimestres de Première et au 3ème trimestre de Terminale. Elles “soumettent à une pression certificative permanente les élèves et leurs enseignants ; dénoncées par les Chefs d’établissement et par une note interne de l’Inspection générale, […], générant anxiété des élèves, pression permanente de tous et difficultés de mise en œuvre, ces épreuves ne servent que des logiques évaluatives au détriment des logiques de formation” dénoncent des hauts-fonctionnaires du ministère de l’éducation nationale.

Alors que deux sessions d’E3C devaient avoir lieu cette année,  beaucoup d’élèves n’en ont finalement passé aucune, du fait des protestations contre leur mise en place dans un premier temps (pour rappel les E3C ont été reportées ou annulées dans 228 lycées, et bloquées ou perturbées dans 203 lycées), puis de la fermeture des établissements dans un second temps. Des rattrapages de la première session devraient avoir lieu l’an prochain. Le ministère a décidé, unilatéralement, que la deuxième session d’E3C n’aurait jamais lieu mais qu’elle serait une moyenne des notes obtenues lors des deux autres sessions. Ces solutions posent question : quel est l’intérêt pédagogique de notes construites artificiellement ? Quelle réelle continuité lorsque nous sommes notés que sur 2 épreuves au lieu de 3 ? De plus, cela ajoute une pression supplémentaire aux élèves qui auraient échoué au moment de la première session d’E3C, et ajoute une injustice du fait que des lycées entiers passeront un rattrapage de l’épreuve un an après sa date initiale tandis que d’autres non.

  • Nous demandons que les E3C ne soient pas comptabilisées dans les notes du bac pour cette génération d’élèves de première.
  • De manière générale, sur les E3C nous dénonçons qu’elles ne se déroulent pas dans des conditions similaires à l’épreuve terminale du baccalauréat : même jour et même heure pour tous et toutes, correction et harmonisation nationale, anonymisation des copies, semaine blanche de préparation, banalisation du bâtiment dans lequel se déroule les examens, etc…
  • Quid des oraux du bac de français ? 
“La conservation de l’oral de français met une grosse pression parce qu’on est pas prêt et on aura jamais le temps de l’être même si on retourne en cours en juin. On a même pas fait assez de textes”

A l’heure actuelle, le ministre de l’éducation a déclaré qu’il prendra une décision sur le maintien ou non de l’épreuve, à la fin du mois. Cela inflige aux élèves de l’anxiété supplémentaire, car beaucoup ne voient plus le sens que peut avoir la préparation d’une épreuve qui n’aura probablement pas lieu. Qui plus est, cette épreuve, si elle avait lieu, laisserait place à de nombreuses inégalités du fait de la situation. Le confinement a laissé beaucoup d’élèves sur le carreau et a créé une inégalité entre les classes quant à l’accès ou non aux cours de français, nécessaires pour envisager sereinement l’épreuve. 

  • L’UNL demande l’annulation de l’épreuve, décision qui devrait être prise depuis longtemps. 
  • Quelles adaptations prévues l’année prochaine, pour rattraper le retard d’apprentissage ? 
“J’appréhende surtout le retour, étant en terminal les profs ont prévenu qu’au retour on sera bombardés de contrôles, hors moi comme beaucoup d’autres n’avons plus aucune envie de retourner au lycée et nous ne sommes plus motivés…..”

Le déroulement de l’année prochaine devra être modifié en fonction du retard pris par les élèves durant le confinement. En effet, pour cette année scolaire les programmes scolaires ne pourront pas être conclus dans tous les établissements. Si un rééquilibrage n’est pas opéré pour faire rattraper le retard pris, cela pourrait engendrer une hausse du décrochage scolaire pour les élèves de seconde et de première. Nous espérons que des moyens pourront être débloqués par le gouvernement pour augmenter les Dotations Globales Horaire (DGH) afin de mettre en place des dispositifs de soutien et d’accompagnement par le personnel éducatif qui soit équitablement réparti dans le temps. Ces moyens supplémentaires permettraient de ne pas faire travailler les élèves pendant les vacances scolaires, ce qui serait inacceptable : de nombreux élèves se salarient pendant les vacances. De plus, cette période de repos semble indispensable à notre bien-être, d’autant plus à l’issue ou durant une crise sanitaire.

Enfin, de nombreux et nombreuses bachelier.e.s vont se retrouver dans l’enseignement supérieur sans les connaissances prévues à l’origine. Il faudrait qu’une décision soit prise par le gouvernement pour pallier cela. Il faut que les attendus des facultés soient ré-ajustés pour prendre en compte un possible déficit de connaissances de certain.e.s élèves.

  • Quid de l’acceptation dans les choix de spécialités ? 
“Pour la spé abandonnée en première il faudrait laisser une chance aux élèves de remonter leurs notes car elle va être passée en contrôle continu et pour le deuxième semestre on a souvent qu’une seule note et il suffit qu’elle soit mauvaise pour nous mettre en difficulté”

Les élèves de seconde ne savent pas s’ils et elles seront ou non accepté.e.s dans leur choix d’enseignement de spécialités pour leur année de Première, du fait des défaillances dans les conseils de classes suite à la fermeture des établissements. Le même problème se pose pour les élèves de Première qui doivent abandonner une spécialité pour leur année de Terminale.

  • L’UNL demande que les voeux soient validés automatiquement.
  • La crainte de voir son entrée à l’université remise en cause.

Dernier sujet source d’anxiété chez les lycéen.ne.s : la poursuite d’étude dans le supérieur. Le calendrier Parcoursup étant inchangé, les élèves de terminale qui passeraient des épreuves de rattrapage en septembre sont dans une situation instable pour pouvoir accéder sereinement à l’enseignement supérieur, la recherche d’un logement n’étant par exemple pas possible à improviser après les vacances.

  • L’UNL demande à ce que les voeux des élèves devant passer le rattrapage en septembre soit maintenus, pour leur assurer une place dans l’enseignement supérieur l’an prochain ainsi qu’un logement Crous.

Conclusion

Décrochage scolaire et renforcement des inégalités ont été les maîtres mot de cette continuité pédagogique qui porte bien mal son nom. Plus qu’une simple fracture numérique, cette période a montré une véritable fracture sociale, existante dans notre société, notamment des plus défavorisés envers l’institution. L’École a échoué, durant cette période sur ce qui semble être le plus important : lutter contre la reproduction sociale ; et ainsi permettre à chacun de pouvoir réussir peu importe son origine sociale. Sur ces points, on ne peut que constater que les récentes réformes du ministère n’ont pas aidé et que la période de confinement n’a fait que le réaffirmer. Il y a donc un impératif moyen terme à rénover profondément l’École afin de résoudre ces problématiques.

De plus, certains éléments essentiels sont à prendre en compte dès à présent tant sur les conditions de confinement pouvant parfois causer une grande précarité et nuire gravement à la santé physique et psychologique des lycéen.ne.s et de leur famille que sur l’anxiété provoquée chez les lycéen.ne.s en raison de l’absence claire et concrète de décisions sur les examens, la reprise des cours.  Mais aussi sur la promesse de ne pas prendre en compte les notes du 3ème trimestre où aucune certitude n’est donnée que les professeurs ne les rentrent pas pour autant dans les bulletins comme c’est le cas actuellement partout en France, ou alors que les notes ayant été mises pour le troisième trimestre comptent alors qu’une unique note ne peut être représentative du travail d’un élève pour un trimestre.

De plus, les lycéen.ne.s ont besoin de lisibilité autour des critères et modalités pour les rattrapages ainsi que l’accès à la session de septembre. Pour juger au mieux du droit au rattrapage, le jury doit prendre en compte les problématiques personnelles rencontrées par les élèves dans leur dossier, pourtant cela risque de toucher à des sujets sensibles et intimes ce qui peut être complexe et douloureux (violences subies, situation de handicap, situation familiale complexe ou difficile, etc…)

Enfin, de nombreuses personnes ont été lésées sur la continuité pédagogique, en ne prenant pas en compte leur besoin d’accompagnement adéquate. Tel est le cas pour les élèves subissant des violences familiales, mais également pour les personnes en situation de handicap, déjà fortement oubliées dans la prise en compte du contrôle continu car n’ayant pas tout au long de l’année les mêmes aménagements que lors des épreuves terminales. Les personnes en situation de handicap n’ont en effet pas d’AVS et/ou d’accompagnement à la maison, le matériel adapté, la possibilité de faire des visio-conférence et/ou de lire des cours selon les spécificités de chacun.e.

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